ATELIER D’ ÉCRITURE DE REGUSSE
10 MAI 2016
La petite souris…
La petite souris a grignoté une feuille du Livre des Questions d’Edmond Jabès.
Improvisez un texte en respectant les mots qui subsistent (en noir) sur les restes de la feuille de papier.
il écrit pour sa main, sa plume, pour apaiser le regard; car s’il n’écrivait
pas, sa vie serait incomplète. Il lui manquerait quelque-chose. Le message
étourdissant contenu dans sa tête, dans son esprit, dans son coeur, ne transmettrait aucun
mot aux autres, aux lecteurs avides de sa prose matérialisée grâce à l’encre;
Quarante lignes ne lui suffisent plus. Les pages s’enchaînent.
L’histoire commencée trois semaines plus tôt
s’achèvera certainement dans des mois. Son imagination ayant
été sollicitée, il lui fallait absolument la contenter, la repaître de mots, pendant le
peu de temps qu’il lui restait à vivre, à espérer.
Regardant avec angoisse ses feuilles se noircir de son écriture hachée, il se hâte.
Aura-t-il le temps de terminer? Il relit son dernier chapitre, précise sa pensée et sa
description avec quelques adjectifs colorés. Tant
que tout ne soit pas satisfaisant, il modifiera
de quelques phrases imagées. Pas à
pas, mot à mot, il gagne la partie contre son ennemie: sa maladie.
Son héro, bravant la tempête, maniant les cordages de ses doigts
lacérés par les embruns glacés, combat lui aussi le destin:
« Où se trouvait donc ce phare qui lui indiquerait: vire à l’est !«
Remplie, la page couverte des pattes de mouche de son écriture en appelle une autre. On
sait d’instinct qu’il va continuer sur une nouvelle feuille vierge,
blanche comme son front brûlant. Il en ramasse une sur le sol, gauchement,
à droite de sa chaise branlante. Surtout pas de chute n’est-ce pas !
Tomber maintenant sera le pire pour lui, le véritable trou
noir, car se relever seul il en est incapable. Il l’a tenté cent
fois sans aucun succès. Il reprend maintenant son histoire, celle sortie de derrière son
front et de son âme tourmentée. Lui et son héro suivent
des chemins parallèles comme le feront ses lecteurs,
et tout ces chemins ont leurs propres chemins. Autrement ils ne seraient pas des chemins.