Voilà nous y sommes…
Un quatrième roman est terminé. Comme pour les trois premiers, je n’ai su que peu de temps avant la fin où mon improvisation m’entraînait. Un fil conducteur, oui, mais après ? L’histoire naît et s’invente au fur et à mesure que je l’écris et c’est génial. Maintenant la question ne se pose plus: je suis allé au bout et mon ami Jeanjean s’en est encore une fois bien sorti…
Un petit extrait ??
Une nouvelle aventure de Jeanjean d’Aups:
Esprit es-tu là ?
Chapitre 1
Le Père-Lachaise
4 avril 2015
Il arrivait enfin au terme de son long voyage. Il était plus que temps, mais ses efforts allaient bientôt être récompensés. Bientôt, il n’aurait plus suffisamment de force en lui pour parvenir au but ultime qu’il s’était fixé, et il avait dû solliciter l’aide d’un Brésilien émigré à Paris pour lui servir d’accompagnant et de soutien : João Cardoso. Si cela faisait peu de temps qu’il s’était mis en route, (il avait quitté Rio de Janeiro trois jours auparavant), l’idée de ce retour aux sources de ses croyances avait éclos en lui plus de trente trois ans auparavant. Il s’était alors promis de ne pas mourir avant d’être venu se recueillir sur la tombe du Maître. Il lui devait bien cela.
Après un automne ultra pluvieux et un hiver relativement doux, la végétation avait très vite repris ses droits. Les arbres, essentiellement des érables, des frênes, des thuyas et des marronniers, étaient couverts de feuilles, mais il fut un peu déçu de l’état de certaines parties de ce cimetière où reposaient pourtant les restes de plus de soixante neuf mille hommes, dont certains avaient connu des destins fabuleux. Il aurait pu raconter qu’il en avait connu quelques-uns avec lesquels il s’était longuement entretenu, mais qui l’aurait cru, ici, à Paris ? Dans son pays, le spiritisme avait » pignon sur rue » si l’on peut parler ainsi d’une philosophie. Mais ici, en France, là où le Maître était né et avait vécu, on était très vite catalogué dans la liste des farfelus ou des « illuminés » si l’on s’intéressait ouvertement au spiritisme. Il savait, pour avoir côtoyé les grands médiums dans de nombreux pays, qu’il ne faisait pas toujours bon parler directement de cela. Et pourtant… Si ces gens qui se gaussent avaient pu assister en sa compagnie à seulement quelques réunions, combien en seraient repartis complètement abasourdis, avec leurs croyances ou leurs non-croyances mises complètement à mal…
La porte principale du cimetière, monumentale, lui apparaît comme digne de ce lieu de recueillement, avec ses deux imposants sabliers sculptés en relief tout en haut de chacun des pilastres encadrant le portail. Sur l’un des deux il reconnaît d’ailleurs l’épitaphe extraite de l’Évangile de Saint-Jean : « Qui credit in me, etiam si mortuus fuerit, vivet » : celui qui croit en moi, même s’il est mort, vivra. Sur l’autre sont gravées ces paroles extraites du livre de la Sapience*) : « Spes illorum immortalitate plena est » leur espérance est pleine d’immortalité… C’est une fois passé cette entrée que les choses se gâtent quelque peu. Des monuments plus délabrés que les autres apportent une touche malsaine, des herbes folles ainsi que le reste des feuilles tombées à l’automne précédent donnent, à certains endroits, une image triste et dénotent une sorte d’irrespect vis à vis des gens qui y sont enterrés. Instantanément, bien qu’il s’y fut préparé, il ressent une sorte de malaise passager tant les souffrances endurées durant leur vie ou au moment de leur décès par certains pensionnaires de ce lieu sont encore présentes. C’est en passant près du mur contre lequel 148 Fédérés furent fusillés par les troupes versaillaises en 1871, au cours de la « semaine sanglante » de l’épisode de la Commune, qu’il a le plus de mal à avancer. Son pouvoir de médium lui impose de percevoir autour de lui les Esprits tourmentés qui n’ont toujours pas pu rejoindre une nouvelle enveloppe charnelle…
Les restes de celui à qui il va rendre hommage se situent dans le secteur 44 et son itinéraire à l’intérieur de ce cimetière le fait passer devant les tombes de personnages illustres. João, qui suit scrupuleusement sur une carte le tracé du chemin le plus court, lui annonce au fur et à mesure de leur lente progression les noms et les épitaphes qu’il lit sur les monuments funéraires. C’est ainsi qu’ils évoquent ensemble les vies de Gioacchino ROSSINI, COLETTE, Alfred De MUSSET et bien d’autres…
Lorsqu’il laissent à leur droite le caveau d’Eugène DELACROIX, João peut annoncer à son « employeur » qu’il va bientôt être en mesure d’exaucer son vœu. En effet, une centaine de mètres plus loin, parmi une kyrielle de chapelles majestueuses et de pierres tombales plus ordinaires, vient d’apparaître la tombe d’Allan KARDEC. Quelques pas encore à faire. A nouveau l’émotion le gagne et João, qui le soutient par le bras, renforce sa prise en sentant les tremblements s’amplifier. Les voilà finalement arrivés à destination et ils ne sont pas seuls autour de la tombe. Des gens se recueillent et d’autres, habitués du lieu, philosophent sur le sujet. Ils sont contraints de s’asseoir sur le soubassement de marbre d’une tombe toute proche afin qu’il puisse se reposer un peu.
Ici, c’est bien comme sur les photos qu’il a pu regarder au Brésil des heures durant : sous une table de couverture en pierre épaisse, reposant sur deux orthostates*) par devant et un mur en roche pour le fond, voici le dolmen qui surmonte la pierre tombale d’Allan KARDEC. Comme d’ordinaire, et d’ailleurs comme toute l’année, la tombe est couverte de bouquets de fleurs de toutes sortes. Il ne s’en réjouit qu’à demi, car ceci tient aussi au fait d’une croyance populaire qui prétend que venir toucher le buste de bronze, voire même l’embrasser, permet de voir son vœu exaucé, et que l’on se doit de remercier avec des fleurs. Qu’en pense le Maître, se dit-il ? Au fronton du plafond de cette tombe, que certains de ses disciples prennent comme modèle pour leur propre monument funéraire, se trouve gravé le postulat de la doctrine : « NAITRE, MOURIR, RENAITRE ENCORE ET PROGRESSER SANS CESSE, TELLE EST LA LOI «